Que disent la géologie et l’histoire ?


En préambule nous tenons à remercier Patrick De Wever pour l’article qu’il nous propose ici sur notre commune.
L’ensemble de ces informations est développé dans « Ormoy-la-Rivière, un village de l’Etampois », livre paru en 1990, par Patrick et Marie-José De Wever et Jean-Louis Duclos – 405 pages.


Géographie, géologie

La vallée de la Juine est occupée par une rivière de direction nord-sud qui, longue de 55 km, va alimenter l’Essonne vers le nord.
Son altitude au niveau du pont roman est de 72 mètres.
Son cours a longtemps alimenté des moulins à eau et été une voie navigable empruntée par des barques à fond plat qui permettaient le transport de céréales et des laines, vers Corbeil et la capitale.
Auparavant, dans l’autre sens, elle permit aux vikings de Rollon de venir jusqu’à Étampes en 911.

…………Ormoy-la-Rivière dans la vallée à fond plat

Le village est installé dans une vallée à fond plat, une plaine d’inondation, occupée par d’épais dépôts de tourbe (env. 18 m) parcourus par la Juine, rivière classée de première catégorie pour sa pureté et son contenu biologique, qui fait la joie des pécheurs.

Sous la tourbe, et sur ses flancs, se trouve un sable blanc très pur, déposé là il y a environ 25 millions d’années, formant des dunes.

Localement cimentés, ces sables comportent des niveaux de grès qui ont été exploités sur les flancs de la vallée pour faire des pavés.

Notre région était alors une lagune tropicale, parfois peuplée de très nombreux coquillages, d’herbes marines broutées par des sirènes : les lamantins.

Ces niveaux sont si riches et particuliers qu’ils ont été utilisés par Alcide d’Orbigny pour définir un étage de l’échelle des temps géologiques : le Stampien, dont on peut voir une partie dans la Réserve géologique située dans la Vallée aux Loups.

La mer s’étant retirée vers l’ouest, ne restait alors qu’un lac peu profond, le Lac de Beauce, dans lequel se sont déposés des calcaires très durs, dits « Calcaires de Beauce », qui constituent le sommet des flancs de la vallée et le plateau.


Quelques éléments marquants de l’histoire

Le village est occupé au moins depuis le Paléolithique comme en témoignent les outils lithiques (silex taillés d’Artondu) puis les outils polis (haches) sans compter les pétroglyphes, trouvés à l’est de la vallée, sur le terroir de la commune, ou encore le polissoir sur les pentes d’Artondu.

……Pétroglyphes à Ormoy-la-Rivière

La vallée est en limite occidentale du territoire des Senones, tribu gauloise dont l’extension se poursuit un peu à l’ouest dans la vallée de la Chalouette : le « menhir » de Pierrefite est en fait une borne leugaire qui délimite les Carnutes, au sud-ouest, les Parisis, au nord, et les Senones.

En 57 avant notre ère, les romains s’installent. Ils nous ont laissé la « voie romaine » sur le plateau en limite occidentale du terroir, de grandes fermes à proximité et un fanum à Saclas ainsi que quelques rares objets : pièces de monnaie, bijoux en argent et cornaline.

L’époque mérovingienne a marqué notre village : outre des sarcophages, un vase et un scramasaxe (courte épée), une importante bataille se serait déroulée sur notre territoire, en 604, entre les troupes de Théodoric, roi de Bourgogne et celles de Clotaire II, roi de Neustrie commandées par Landéric (qui serait à l’origine du toponyme : Landeri-ville).

L’époque carolingienne, VIIIe-Xe siècle, est marquée par 2 événements : le village (mais non les différents domaines de Lendreville[1], Vauvert, …) est confirmé appartenir aux religieux du chapitre Sainte-Croix d’Orléans en 883 puis les vikings de Rollon « visitent » notre région en 911.

La période médiévale contient plusieurs types d’éléments notables.
En 1215, Philippe de Landreville, bras droit de Simon de Montfort lors des croisades contre les cathares : il s’y fit une solide réputation et devint le Sénéchal (= bailly dans le nord, càd préfet) de tout le sud ouest.
Ces seigneurs seront cités jusqu’au XVIIIe siècle.
Le servage est aboli à Ormoy en 1228, la peste noire frappe la région en 1348 puis, lors de la guerre de cent ans, nous subissons l’occupation anglaise jusqu’en 1435, soit 6 ans après la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc.

La Renaissance est l’époque des guerres de religion.
En 1562 les huguenots du Prince de Condé ravagent la région, les reîtres (mercenaires allemands) abritent leurs chevaux dans les églises (est-ce à cette époque que notre église fut mutilée ? ).

Au « grand siècle », le XVIIe, la peste et les famines sont de lourds fléaux.
En 1652, tantôt l’armée du Roi, tantôt celle des « frondeurs » ravagent la région.

Le « siècle des lumières » est une période bien sombre pour la région : il commence par le terrible hiver 1708- 1709 suivi par une épidémie.
Sans compter le bandit dénommé « l’Artifaille » qui rançonne dans les années 1780-85, puis ce seront des bandes de « chauffeurs »[2] lesquels sévissent en 1790-95.

Au XIXe siècle, après la défaite de Napoléon en 1815, l’occupation de la région par les troupes russes est lourde.
Mais la vie s’améliore, des travaux sont menés sur l’église et le lavoir, le cimetière est déménagé.
Toutefois de nouveaux soucis arrivent avec l’occupation des prussiens en 1870 : une bataille a lieu route de Dhuilet et, surtout, à la ferme de Courpain.

[1] Les orthographes varient : Landerville, Landreville ou Lendreville. Rappelons que la première tentative d’installer une orthographie ne date que de la fin du XVIIe siècle (1694 pour être précis).
[2] Ainsi appelés car ils brûlaient les pieds de leurs victimes pour leur faire avouer leurs cachettes.


Quelques éléments particuliers au village

Une église désorientée

Les églises sont généralement orientées (= « tournées vers l’orient »).
Celle du village est tournée vers l’occident.

Elle a été désorientée lors d’un réaménagement, sans doute suite à une destruction partielle.

On retrouve des fondations de l’ancienne église sous le parking actuel.
Des détails d’architecture visibles de ce parking attestent d’une ancienne disposition.

On ne sait ni quand l’église fut mutilée, ni quand sa désorientation a été effectuée.
Il y eut des travaux effectués au XIXe siècle.

En 1952 est installé un vitrail de Saint-Etienne, à qui l’église est dédiée, dessiné par le peintre étampois Philippe Lejeune et réalisé par Raymond Legrand.

……Vitrail « Saint-Etienne, diacre martyr » – © pdw

Les Seigneurs de Landreville

En 1209, Philippe de Landreville accompagne un autre seigneur de la région : Simon IV de Montfort-l’Amaury dans une expédition, intitulée « Croisade contre les Albigeois« , supposée lutter contre l’hérésie cathare.
En 1215, Philippe de Landreville est nommé sénéchal de l’Albigeois, Toulousain, Quercy et Agenais.
Son fils, Pierre, lui succédera comme sénéchal, de l’une ou l’autre de ces sénéchaussées ; Barthélémy, fils de Pierre, sera lui aussi sénéchal de Toulouse en 1267.

En 1302, Simonin de Landreville, écuyer, sert dans l’armée de Flandre.

Les sceaux de Pierre, Barthélémy et Simonin aux Archives Nationales :

Gauche : Pierre de Landreville,
(origine : Arch. Nat. Inv. Sc. II, 5155). 38 mm
Droite : Barthélémy de Landreville,
(origine : Arch. Nat. Inv. Sc. II, 5159). 30 mm © pdw

Sur ces sceaux qui portent la croix des croisés, se lit :
Pierre de Landreville, 1266
« Sr PETRI DELANDREVILLA MILITIS » (= seigneur Pierre de Landreville, chevalier)
Barthélémy de Landreville
« Sr .A.THOLOMEI… ANVILLA, MIL….. » (sans doute = Seigneur Bartholomei Delandrevilla, chevalier)

Simonin de Landreville
(origine : Arch. Nat. Inv. Sc. II, 5159), 30 mm
© pdw

Le sceau de Simonin se décrit comme :
« d’azur au chevron d’or, deux mollettes d’or en chef ».
Nota : les mollettes d’éperon se distinguent de simples étoiles par le trou central.

La réserve géologique

Dans la Vallée aux Loups, se trouve un site d’une réserve géologique.

Il s’agit de l’un des éléments appartenant à la réserve naturelle nationale des sites géologiques de l’Essonne (RNN96) qui occupe au total une surface de 27 ha pour les 13 sites répartis sur 10 communes.

Ces sites ont été remarqués au milieu du XIXe siècle par les géologues et paléontologues pour être particulièrement représentatifs d’une époque de l’échelle des temps géologiques par leur variété et leur richesse en fossiles très bien conservés.
Un naturaliste, Alcide Dessalines d’Orbigny, propose en 1852 de lui donner le nom de Stampien, du nom latin d’Étampes.

Ce site appartient donc au patrimoine scientifique international.

En l’honneur de celui qui a érigé cet endroit au rang patrimonial, l’école du village a été nommée Alcide d’Orbigny.

Ce grand voyageur naturaliste fut à la fois paléontologue, musicologue, ethnographe, botaniste, zoologiste, ….
Plusieurs lieux portent son nom en Amérique du Sud, y compris de petites villes de Bolivie, un lycée à La Paz, ….

Ormoy-la-Rre - site de la Réserve géologique, route de Dhuilet
……………Le site de la Réserve géologique, route de Dhuilet



Le lavoir d’Auguste Magne

…………………….Lavoir et pont roman © B. Gonzalez

Après 21 ans de débats, et devant le besoin des lavandières, en 1875, le maire de la commune, M. Laporte, fait construire un lavoir sur ses deniers.

Les plans sont ceux d’Auguste Magne, architecte célèbre à Étampes.

Par la suite des murs ont été établis entre les piliers, sans doute pour protéger du vent, mais ils défiguraient le bâtiment et permettaient à des indélicats de s’y livrer à des dégradations, notamment la plaque, offerte par les lavandières reconnaissantes, a été cassée.

Lors de la réfection dans les années 1990 le lavoir a retrouvé son allure initiale, sans mur, dont le charme est reconnu par tous.